Minsky

Hypothèses de l’instabilité financière.
Nous parlons souvent de Keynes mais s’il y a un économiste qui est devenu populaire après la crise financière actuelle, c’est bien Minsky. Paul Krugman, editorialiste du New York Times et Nobel d’économie a recommandé de relire les travaux de l’illustre économiste et Martin Wolf, du Financial Times s’est exclamé : Minsky avait raison! Il est clair que l’implémentation de garde fou basé sur l’hypothèse de l’instabilité financière n’aurait pas pu éviter une récession dans le passé. Mais il aurait certes forcé les participants économiques à êtres plus prudent et éviter des bulles qui aggravent la situation en créant des zones de confort illusoires.


Minsky propose que les systèmes financiers capitalistes ont une instabilité inhérente. « Le succès favorise la complaisance et mène à l’échec ». Le cadre de sa proposition est celle d’une instabilité évolutive basée sur deux procédés cycliques différents. Le premier serait un cycle basique et le deuxième un super-cycle.  Le cycle de base concerne l'évolution des modes des arrangements financiers, et il comprend le phénomène de la fragilité financière émergent dans les bilans du secteur privé et les des ménages.


Le cycle commence avec le ‘hedging’ lorsque les revenus des emprunteurs sont suffisants pour rembourser les intérêts et le principal du prêt. Il passe ensuite à la finance spéculative lorsque les recettes ne couvrent que les intérêts. Enfin, le cycle se termine par le ponzi  ou les revenus sont insuffisants pour couvrir les paiements d'intérêts et les emprunteurs dépendent d’une appréciation de leur capital pour couvrir leurs obligations. Le cycle de base propose une théorie psychologiquement fondée sur le cycle économique. Les participants économiques deviennent progressivement plus optimistes, et cela se manifeste dans les évaluations de plus en plus optimistes des actifs et des flux de revenus associés et la volonté de prendre plus de risques en pensant que le bon temps sera la pour toujours. Cette psychologie optimistes affecte aussi bien les prêteurs et les emprunteurs, pas seulement un côté du marché. Cela est essentiel car il signifie que la discipline de marché est progressivement supprimée.
 

Ce processus d'optimisme a la hausse est évident de la façon dont l'expansion du cycle économique génère des débats sur la ‘mort du cycle des affaires’ (business cycle). Dans les années 1990 on parlait de la ‘nouvelle économie’ qui était censé avoir tué le cycle économique en introduisant une période de croissance de la productivité de façon accéléré en permanence. Dans les années 2000 on parlait de la ‘grande modération’ ou les banques centrales avait apprivoisé le cycle économique par une politique monétaire améliorée basée sur la compréhension théorique nouvelle de l'économie. Ce discours n'est pas accessoire, mais constitue plutôt la preuve du cycle de Minsky à l’œuvre. Cette complaisance affecte tous les participants économiques et n’épargne pas les régulateurs ou les décideurs. Le Président de la Reserve Fédérale américaine disait en 2004 être un croyant de la thèse de la grande modération.


Le cycle de base est présent dans chaque cycle d'affaires. Il est complété par le super cycle de Minsky qui fonctionne sur une période de plusieurs cycles économiques. Ce super cycle est un processus qui transforme les établissements d'affaires, conventions de prise de décision et les structures de gouvernance du marché, y compris la réglementation. Ces structures sont essentielles pour assurer la stabilité des économies capitalistes, et Minsky ce procédé ‘contrecarrer les institutions’.  Le processus d'érosion et de la transformation prend plusieurs cycles de base, rendant le super-cycle une longue phase par rapport au cycle de base. Les deux opèrent simultanément de sorte que le processus d'érosion et de la transformation institutionnelle se poursuit au cours de chaque cycle de base. Cependant, l'économie subit une véritable crise financière qui menace sa survie lorsque le super cycle a eu le temps de miner les institutions. Entre ces deux crises l'économie passe par des cycles de surchauffe restreints. Une fois que l'économie est sujet à une crise à grande échelle, il entre dans une période de création de nouvelles réglementations.


Analytiquement, le super cycle de Minsky peut être considéré comme l’introduction inexorable de risques financiers dans le système. Le cycle comporte des développements simultanés de ‘détente réglementaires’ et prise de risque accrus. Ces développements augmentent à la fois l'offre et la demande pour le risque. Le processus de détente de la régulation a trois dimensions. Une dimension est la corrosion de réglementation dans lequel les institutions conçues pour réglementer et réduire les prises de risques excessives sont capturés et affaibli. Ce processus a été évident sur les dernières vingt-cinq ans, lorsque Wall Street a intensifié ses efforts de lobbying (comme démontré par des économistes du Fond Monétaire Internationale) et a établi une ‘ligne de communication’ avec des organismes de réglementation tels que la Réserve fédérale (comme démontré par des investigations de Reuters), la Securities and Exchange Commission, et le Département du Trésor.


Une deuxième dimension est la rechute de la réglementation. Les régulateurs sont des êtres humains et une partie de la société, et, comme les investisseurs, ils sont soumis à des oublies de l’histoire et de la reinterpretation de l'histoire. Par conséquent, eux aussi oublient les leçons du passé et adherent a la rhétorique concernant la mort du cycle des affaires. Le résultat est la volonté d'affaiblir la réglementation sur les motifs que les choses ont changé et la régulation n'est plus nécessaire. Ces actions sont soutenues par l'évolution idéologique qui justifie de telles actions. C'est là que les économistes ont eu une influence à travers leurs théories sur la ‘grande modération’ et la viabilité de l'autorégulation. Une troisième dimension est échapper à la réglementation permettant la production de risque accru par l'innovation financière qui échappe à la réglementation car celle-ci n’est pas a la page de l’innovation.


Le processus d’influencer la réglementation, la détente réglementaire, et d'échapper à la réglementation sont accompagnés par la prise de risque accrue par les emprunteurs. Premièrement, l'innovation financière fournit de nouveaux produits qui permettent aux emprunteurs de s'endetter davantage comme pour les prêts de logements. Deuxièmement, les participants du marché sont également soumis à la perte de mémoire progressive qui augmente leur volonté de prendre des risques. Ainsi, le passage du temps contribue à l'oubli des précédentes crises financières, ce qui favorise la nouvelle volonté de prendre des risques. Exemple, a mesure qu’on progresse a travers les cycles économiques, l’exposition des investisseurs à des actions en bourse augmente.


Il est clair que les enseignements de Minsky sont très utiles dans des économies qui n’ont pas encore été contamine de façon significative par la crise. Implémenter ses prescriptions demande cependant du caractère car c’est en contradiction avec les méthodes néoclassiques si chères à tant de participants économiques.